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Affichage des articles du avril, 2017

Tirer les choses au grand jour

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"Tirer les choses au grand jour pour m'en libérer."  A dater de ce jour, écrit dans son Journal Witold Gombrowicz, je commençai à mettre au point ma nouvelle façon d'être qui consistait à tirer les choses au grand jour pour m'en libérer. Que savez-vous des triomphes qui permettent de se délecter de sa propre immaturité, tout en se libérant et la dominant ? Savez-vous d'ailleurs ce que c'est que de s'enferrer dans l'univers de sa propre réalité, au mépris de toutes les protes tations de votre intelligence ? Il s'agit de méthode. J'attire votre attention sur ma méthode - essayez donc de l'appliquer. Dans son existence individuelle, l'homme est incapable de s'exprimer. Il est privé d'expression, il est silence. Les [différents] courants de pensée ne font que démontrer une fois de plus à quel point nos propres pensées nous sont étrangères. Ces vains commentaires et gloses sur la mort par exemple prouve

Dialogue impossible

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  Tous les éléments s'ordonnaient clairement soudain, à l'arrière de la vision de lui qu’elle avait, et que jusqu'alors elle s'était refusé d'admettre. Il n'y avait plus aucune passerelle à emprunter pour le rejoindre. Rien qu’une lointaine réminiscence enchantée qui s’agitait encore en elle dans un soliloque stérile, et que venait perturber le désenchantement soudain. Ce faux dialogue entre deux ombres était en réalité un monologue, où chacune des questions demeuraient sans réponse. Le passé vécu, certes, jouait encore pour quelque temps du moins un rôle actif dans ce présent dénué d’entrain, mais le souvenir, seul, loin d’être le simple reflet de la perception se rapportant sur le calendrier à des faits passés était en train de devenir lui-même "un fait psychologique", concernant uniquement la journée d’aujourd’hui et de la présente minute. Tout avait été rayé de l’avant. Rien au-delà, ni en arrière, ni au-devant. Tous les deux, nus dans le l

Solidement implanté

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Lorsqu'il s'agit de terminer la... comment dire... "rédaction" d'un livre (trop "scolaire")... de lui "apposer le point final" (trop "romantique", ça ne se passe pas du tout comme ça)... d'aller jusqu'au bout de la série des chapitres "prévus au départ" (pas vraiment un nombre de chapitres fixé à l'avance, ils se sont ajoutés les uns aux autres) - alors faisons simple, et disons : quand "l'écriture est arrivée à son terme" (on sait exactement quel jour, même s'il y a eu un nombre incalculable de "fausses fins"), eh bien l'on se sent tout chose... pris d'une sorte de vague à l'âme... On ne sait plus soudain que faire de ses dix doigts, ordi éteint, bouquins refermés avec toutes les petites notes et marque-pages à l'intérieur qui en dépassent, qu'on ne veut pas jeter... on sait jamais... si le PC "plantait", si l'Ipad "cassait", après 10

Des nouvelles de demain

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   L'amant, devenu en quelques mois à peine plus qu'un amoureux (pour se rassurer elle s'était dit que c'était probablement ce qu'elle cherchait : avoir un amoureux), au bout d'une année se transforma en simple copain, un copain de sorties (là, ce fut apparemment lui qui recherchait ce statut, à lui qu'il convenait). Peut-être, cette dégringolade inexorable, était-elle une chose qui arrivait à tout le monde, après tout, se disait-elle.  Il aurait fallu partir alors de moins haut. Déjà, avec son conjoint, il s'était produit une chose semblable (il y avait bien des années). Les premiers mois, il avait été un amant étonnant (elle en avait essayé beaucoup avant lui, qui ne lui arrivaient pas à la cheville !), mais lui n'était jamais passé par la case "amoureux", ça n'était pas dans sa nature, et il était assez tôt devenu un compagnon de route, puis un (encombrant) époux. Ce phénomène de délitement du sentiment, de l'amant au mari

The place to be

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The place to be  Nous sommes à une semaine des élections présidentielles et, (j'en ai un peu honte, mais un peu seulement, honte d'avoir honte : la honte finit p ar oublier son objet) en ce dimanche de Pâques je ne suis préoccupée que d'oiseaux (les œufs pondus par mes oiseaux, leur acheter des graines, fabriquer de la pâtée d'élevage... c'est pas de ma faute si la saison de reproduction commence en même temps que la "campagne") et, par ailleurs, mais par certains côtés ce n'est pas très loin, je m'occupe de faire "grandir" mon dernier texte (de littérature, un roman). Encore de l'élevage, en somme. Pour le reste, qui n'est pas ces deux activités, je me trouve absolument seule. En tout cas isolée.  Tout ce que j'entends, tout ce que je vois et m'efforce de lire, qui n'est pas littérature et concerne cette "consultation" électorale, ne m'intéresse guère et/ou me reste en travers du gosier. Ce

En homme libre !

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Le Journal de Witold Gombrowicz, qu'il a eu l'idée d'écrire en lisant, en 1952, celui de Gide, commence ainsi : Lundi.  MOI. Mardi. MOI. Mercredi. MOI. Jeudi. MOI. Vendredi... Et puis, peu à peu, au fil des pages, il devient son propre commentateur de lui-même, son propre metteur en scène. Il est, comme Montaigne, le véritable "sujet de son livre". Et en guise de préface au premier volume, il précise : "Lundi. Moi. Mardi. Moi. Mercredi. moi. Jeudi. Moi."? Mais il s'agit d'un moi "en action", en relation avec ses lecteurs, pour qui j'invente les multiples incarnations d'un moi à la recherche de sa forme." "Vendredi. La présence du Temps sur ces pages est tellement poignante qu'elle réveille en nous une soif d'immédiat, une volonté de vie et de réalisation, fût-elle imparfaite [je souligne]. Mais la vie, elle, passe comme derrière une vitre - au loin, et tout paraît déjà ne p

Trouville for ever

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 Il avait fallu qu'ils passent quatre jours et trois nuits ensemble, en terrain neutre (à l'hôtel au bord de la mer, en plein hiver) pour qu'elle puisse mesurer assez précisément ce qui les unissait, mais aussi ce qui les séparait, et les séparerait toujours. C'était assez troublant. Il lui semblait que les rôles s'inversaient. Alors qu'avec son mari, en même situation, elle était l'élément du couple qui se réjouit de sortir, aller dîner, qui vit les choses avec gourmandise tandis que l'autre se traîne, s'angoisse à propos d'une table pas réservée à temps, un hôtel complet, les choses à visiter « à tout prix », et n'attend que les stations dans la chambre pour se ressourcer et faire l'amour puis éteindre la lumière à dix heures du soir, là, c'était lui qui apparemment traînait pour différer le retour à la chambre, reculait les moments d’aller au lit, voulait toujours rester dehors à faire la fête, manger et picoler, dans le br

Tête baissée

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  Cosmos, de Witold Gombrowicz. J'aimais et je n'aimais pas ce livre. Il m'inquiétait. Me troublait aussi. Des fois, il me faisait rire, tellement il était étrange. Je suffoquais. Je manquais toujours de l'abandonner. Le laisser en plan. Là, tout de suite. Trop bizarre, cette histoire. Qui n'en est pas une, d'ailleurs... Mais toujours j'y suis revenue, et je l'ai lu jusqu'au bout. Il y avaient de purs moments de lecture. Celle que l'on sent si proche de la littérature. Livre atypique, au parcours mystérieux, qui continue sa route en soi une fois même qu'on en a tourné la dernière page. C'est souvent que me reviennent des passages, des moments, des impressions fugaces. Un jour, je me suis aperçue que depuis cette lecture, je n'écrivais plus pareil. Il m'a fallu un certain temps pour m'en apercevoir. Cosmos a laissé quelques traces.  Par exemple, ici. 1/ Tête baissée   Ne pas écrire quand on a quel

Le style à vivre

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Journal intérieur , 21 oct. 2016   Je voudrais séparer mon être éthique de mon être esthétique, l'existant, du créatif en moi, je ne pourrais pas. Mon problème est qu'ils sont inséparables et cela crée probablement mon style propre.  Ainsi que Th. Mann, cherchant à définir ce qu'est le style, l'indiquait, il serait "l'adaptation mystérieuse du personnel à l'objectif". L'"objectif" ? La vie ? Qu'est-ce que la vie ? Éviter la souffrance et la peine ? Rechercher le "plaisir", comme réponse, ne suffit pas. Du point de vue vital, la vie ne peut se contenter de la simple vérité naturaliste, puisque celle-ci ne contient rien d'attrayant. La vie a grand besoin d'idéaux et d'illusions ; en même temps, elle a besoin de désillusions : c'est cette dynamique qui crée et produit les valeurs vitales. "Quant au fait que l'homme veut éviter à tout prix la souffrance, je ne suis pas d'a