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Affichage des articles du novembre, 2017

Entre nous (11)

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Lundi 9 nov. 1992  Printemps-Nation (livre et montre. Soir : cahier, puis r. de l'Industrie) - Nous sommes tous à plus ou moins grande proximité de la mort. Oui. Tu parles d'une affaire... Est-ce pour autant que nous sommes tous dégoûtés de la vie ? Tu t'es toujours détourné de la vie mais maintenant tu peux te permettre de dire que c'est parce qu'elle va prendre fin que tu ne l'aimes pas. Tu es en pleine forme, tu n'as aucun problème de santé... - Si justement. C'est bien toi qui m'as dit que j'avais un grain de beauté sur la nuque qui te paraissait louche... - J'aurais mieux fait de me taire... Et c'était pour te réveiller. Ta tranquillité de ces derniers jours m'énerve. Mais en te parlant de ça, je ne pensais pas que ça marcherait à ce point... - J'ai toujours peur pour ma santé, tu sais bien. Je suis obsessionnel, n'oublie pas. - Pourquoi, quand tu penses à la mort, penses-tu avant tout au chagrin qu

Entre nous (10)

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Lundi 2 nov. 1992  Bercy (un plein caddie de doléances refourgué) - Tu sais, je ne veux plus dire je . Si j'essayais tu ?... - Tu devrais dire nous ... - Je n'ai pas le droit. - Tu es en pleine contradiction en ce moment. C'est de cela que tu souffres ? - Oui. Sans doute. Mais ce n'est pas "en ce moment", cela fait longtemps. Des fois la contradiction finit par devenir productive mais actuellement, non, elle est stérile. - Tu n'as pas assez d'ouverture sur le monde. Tu ne prends pas assez l'air. Et tu ne fais rien pour toi, pour ton corps. - Tu veux dire du sport ? - Oui, parfaitement. - Ah oui, c'est vrai que tu es un adepte du prendre l'air... Je n'ai pas le temps. À cause de toi, entre autres. Et j'ai bien peur que nos rencontres me protègent de n'avoir pas à faire autre chose. À chercher. À m'exposer. Mon emploi du temps est totalement bloqué et je me demande si ça ne m'arrange pas comme ça.

Entre nous (9)

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Lundi 26 oct. 1992   Saint Mandé-voiture (Jean Baudrillard) - J'ai regardé un téléfilm sur Canal+ cet après-midi, au lieu de te téléphoner. C'est parce que c'était l'histoire d'une femme mariée, deux enfants, qui tombait amoureuse d'un homme marié lui aussi. Elle voulait jouer la carte de la vérité et son mari la quittait. Vlan. Son amant, après quelque temps, la quittait aussi pour retourner vivre avec sa femme. - Ah ben dis-donc, c'est gai. Tu aurais mieux fait de me téléphoner... - Attends. Je continue. Par conséquent pour elle, dépression. Séjour à l'hosto. Enfin, retour au nid, avec excuses au mari obligées... - Ah ah... Laisse les autres, il ne sont pas comme nous. - Non mais je voulais voir s'il y avait du nouveau sous le soleil, ou du moins dans la tête des scénaristes. Une solution, un happy end. Mais non, c'est toujours pareil la vie. Quelques instants de bonheur, pour des années à ramer ensuite... - Moi, j'ai

Entre nous (8)

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Samedi 17 oct. 1992  Maison et dehors (sentiment de liberté) - Nous sommes devenus des monomaniaques... - Je m'en fous. - Nos rencontres se passent comme si nous allions au travail l'un et l'autre. - Nous avons de la chance, nous faisons un travail qui nous plaît... - Je m'étonne, après tout ce qu'on a connu, que nous soyons toujours aussi neufs. - Moi, il me semble parfois, quand je repense à ce que je t'ai dit, que je fais de la propagande pour notre amour. Que tu saches bien qu'il est unique, que tu n'aies pas envie d'aller voir ailleurs. - Ah ah. Tu es marrant... Dans Les Amants , de Louis Malle, on entend la voix de Jeanne Moreau dire en off : "L'amour peut passer par un regard. Jeanne sentit en un instant mourir en elle la pudeur et la gêne." En écoutant ces mots j'ai revu ton visage, celui que tu as parfois quand tu t'en remets à moi. Et mon nouveau roman commence ainsi : J'ai un amant. C'es

Entre nous (7)

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Mardi 13 oct. 1992   Bords de Marne (marcher) - Tu devrais avoir plus confiance en moi. - J'ai. - Oui, mais tu souffres. - C'est parce que je manque de toi. - Tu as le meilleur de moi. - Je sais. Mais j'ai tellement besoin de toi. - Je voudrais pouvoir seulement te regarder... jusqu'à plus soif. - Oui, et après tu en aurais marre. Je t'encombrerais. Tu n'oserais pas me laisser. Tu serais malheureux. Je peux entendre ta plainte, mais je ne peux pas y répondre. Quand je te vois, c'est comme si j'allais à la rencontre de moi-même. - Je sais que si je te perdais je ne retrouverais jamais l'équivalent de ce que tu m'apportes.  Car tu me rends quelque chose d'enfoui dans mon enfance que je croyais perdu ou même n'avoir jamais existé. J'appellerai cela ma candeur, mais ce n'est pas tout à fait ça, cela s'en approche. Il reste une ou deux photos de moi, enfant. Je les connais très bien. Je n'ai pas

Entre nous (6)

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Mardi 6 oct. 1992  Bords de Marne (la crise) - Au fond, quand je t'ai écrit pendant deux étés, chaque jour, sans exception, c'était, comme tu l'as dit toi-même, une sorte de journal que je tenais pour toi sachant que tu l'attendais, mais encore plus, un devoir : comme on dit un devoir de vacances, sauf que ce devoir-là je m'y mettais avec plaisir et que nul n'aurait pu m'en détourner, sous aucun prétexte. Passée la légère appréhension - vais-je avoir le temps? aurai-je un petit moment de grâce ce jour? ne serai-je pas dérangée de façon intempestive... ça se peut bien, et à n'importe quel moment... - le plaisir arrivait alors, apportant l'apaisement, qui le suit de peu. Le plaisir d'écrire. Douloureux, intense, fluide ou seulement léger, le plaisir de s'en aller où l'on veut, tout seul, dans l'enfance, l'érotisme, un autre pays, un autre âge, une histoire différente. Déconner, dire des gros mots, caresser, prendre, voler.

Entre nous (5)

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Samedi 26 sept. 1992   Maison (messages) - J'ai envie de te dessiner. De dessiner ton profil. C'est un peu comme écrire, il me faut exprimer ce que je ressens quand je te regarde. - Moi, je pense parfois qu'il faudrait que je fasse des photos de toi. Cela me calmerait, peut-être. - Des photos? Je n'y tiens pas... Te connaissant, à tous les coups ce serait pénible. On finirait par s'engueuler. - Ou alors je me dis que je pourrais reprendre ton manuscrit, en faire un scénario, puis un film. - Ce serait bien mais il faudrait mettre en route toute une équipe, s'en occuper. Cela prendrait du temps, de l'énergie. Tu ne pourrais pas. Et on ne se verrait plus... - Oui. Exact. Nombreux sont les cinéastes, et pas les moindres, qui ont mis en scène la femme aimée. Cela a donné des œuvres parfois, mais je crois qu'il y a toujours un prix à payer. Cela ne peut pas être sans un effet néfaste sur la relation à la femme en question. - Tu veux dire a