Articles

Affichage des articles du décembre, 2017

Entre nous (53)

Image
Mardi 31 mai 1994    Café du Lac (mon point de vue, "restreint", d'après lui). Neuilly sur Marne - Du silence. Du silence, par moment pesant. Du silence discret. Du silence indifférent. Ma vie n'est faite que de ça. - Tu exagères un peu. Quelques échanges avec ta femme, un peu plus avec ton fils et la copine de ton fils viennent de temps en temps trouer ce silence... - Oui. Ce ne sont pas de vrais mots, pour autant. - Je ne sais pas. Rien ne me permet de juger. Mais il arrive que de ces non-mots j'en reconnaisse certains qui arrivent jusqu'à notre relation, et dont je voudrais la protéger. Tu prends le pli, à force, de cette absence de communication, et avec l'âge tu t'y conformes entièrement. Plus un centimètre de peau chez toi n'est à l'abri de cette misère de parole, de ce tarissement de la source des mots. Seuls les clichés demeurent. - Je pourrais résumer les choses en cinq minutes, si je le voulais, mais à quoi bon ? Je

Entre nous (52)

Image
Jeudi 19 mai 1994   Bercy (av. son fils pour achat portable) puis on dépose le fils, et bois; en suite de quoi av. du Petit Parc, dans l'auto (parler-dire : il n'y a rien avant , en nous) - J'ai réfléchi. - Oh la, je n'aime pas quand tu réfléchis. Je crains le pire. - Je suis encore "fleur bleue", toi non. C'est ça qui nous sépare. Quand tu ne dois pas me voir pendant une période plus ou moins longue, peu importe la durée, d'entrée de jeu tu massacres ce qui nous unit, sans doute pour ne pas avoir à souffrir,  apr è s . Moi, je ressens les choses autrement : tu es là, je ne pense pas à demain; tu es là, même si tu te comportes de manière non-libre, même à l'avance aliéné dans ta souffrance de l'heure qui va suivre ou du lendemain, tu es là, pour moi, c'est toujours ça de pris. Toi, tu voudrais rentabiliser à tout prix notre rencontre, en tirer largement profit, parce que c'est la dernière, alors qu'il faudrait la lai

Entre nous (51)

Image
Mercredi 4 mai 1994    RV avec Martine Groult (textes) Auchan Fontenay C'est une sorte de retombée difficile à vivre. Philosophiquement parlant je n'ai plus rien à faire avec les philosophes. Quand je les lis, même les plus proches, qui ne sont d'ailleurs plus ceux qui m'étaient proches par le passé, cela me donne seulement l'envie de vivre plus, de vivre mieux. Et de lire moins. Il y a de moins en moins de mots pour m'accompagner dans cette vie. Je ne veux plus en passer uniquement par eux. Et pourtant, sans eux, il y a comme un manque qui, en profondeur, m'atteint. Je dois "descendre" dans la vie pour me sentir de plain pied avec elle et je n'y parviens que pour des choses rares qui me paraissent essentielles. Marcher sous le soleil du matin, notre vieille tante de quatre vingts ans, accrochée à mon bras. Régler mon pas sur le sien, avancer tout doucement à pas menus, l'écouter parler d'Amour (chez les catholiques, il s'

Entre nous (50)

Image
Jeudi 28 avril 1994    Café bord du lac. Il fait tr è s beau Vendredi 29 avril   Café bord du lac ( bis ) puis rue de l'Ind. Soir, lu Heidegger et poursuivi l'écriture de "Est-ce elle?" (titre provisoire, SL étant ses initiales à lui...) Samedi 30 avril   Rien : maison et Parc floral Après l'amour, dialogue : - Quelle heure il est ? - Sept. - Je vais me lever mais je ne prendrai pas mon petit-déjeuner ici. - Ah dommage, je t'avais acheté une part de quatre-quart. Tu n'as qu'à l'emporter ? - Non, c'est pas la peine... Allez, sept heures vingt, j'y vais. Quand j'étais plus jeune j'avais une période réfractaire qui durait à peine sept minutes. Parce que tu sais - non, tu ne le sais pas -  nous, les hommes, après l'amour nous avons une "période réfractaire" pendant laquelle nous ne pouvons rien faire... - Ni penser . - ... Maintenant, pour moi, elle dure au moins trente minutes. Et je ne p

Entre nous (49)

Image
Jeudi 21 avril 1994   Croix de Chavaux (je crache le morceau), ça patine... - L'ennui, tu vois, c'est que cela dresse un tableau, une sorte de paysage de notre relation qui parfois me semble manquer de couleur. On plutôt j'ai l'impression que moi seule m'active, m'acharne à lui en donner, des couleurs. J'y vais du pinceau, de la plume, avec une énergie et une constance telles... - Moi aussi, tu ne peux pas dire le contraire, je suis constant... - Sans doute... À ta façon. Mais moi j'y mets tant d'énergie que je me demande si, quand on aura tout enlevé, le lit, le cinéma, les expositions, les magasins, de notre relation... - Et la voiture... Tu oublies la voiture... - ... il ne restera plus rien que cette constance, cette énergie folle à aimer, et si alors je m'en contenterai. - L'amour, n'est-ce pas ce qu'il reste quand on a tout enlevé ?... Vendredi 22 avril   À 9h, un message, avant   le mien. Rue de l'

Entre nous (48)

Image
Vendredi 8 avril 1994   Nation (pour l'assurance santé) Bords de Marne (les adieux avant vacances sont froids) Je cherche un livre. Je cherche un livre dans les librairies sans pouvoir décider lequel prendre. Je lis des pages au hasard, dans chacun d'eux. Je n'aime pas cet état dans lequel cela me met. De chercher sans savoir. De ne pas avoir au moins une petite idée de ce que je veux, de ce que je voulais, en entrant dans la librairie. Je farfouille à l'intérieur des pages, puis repose le livre, amicalement. Oui, c'est bien, quel mérite! toutes ces lignes, ces jolies phrases bien tournées, quel travail ! Quelle constance ! Toutes ces heures d'écriture alignées, serrées frileusement à l'intérieur des pages... Mais dis-moi, ça ne manque pas un peu d'air ? Ça ne serait pas quelque peu étouffant ? Je n'espère pas que ce que j'écris devienne un jour comme ça, se retrouve ici... Relégué aux tables d'exposition des libraires, offert aux m